Le surf, machine à fric

Publié le par L'Arrosoir

Et oui, encore un exemple de l’extension du domaine de l’argent (et non pas de la lutte), et de ses impacts dénaturants et sélectifs. Je mets en ligne cette copie d’un article paru dans le supplément « The New York Times » du Monde.

L’exemple est assez inattendu : il s’agit du surf. J’ai un peu pratiqué ce sport, j’en suis fan, mordu même. C’est une activité très exigeante, difficile et très physique. Pour pouvoir descendre sa première vague debout (et non pas dessous, envoyer par la déferlante vers le fond, rouler dans le tourbillon du déferlement), il faut bien, en moyenne, 4 à 500 tentatives infructueuses. Tourner est une autre affaire, parcourir la vague encore une autre. Passer la « barre », c’est-à-dire la zone de déferlement, pour aller se positionner au « peak », endroit d’où on peut prendre les vagues, nécessite d’avoir une bonne condition de nageur, pour ramer avec ses bras à fond pendant au moins 1 à 2 minutes, et cela on le fait 20 ou 30 fois par session.

Le surf-business, on le connaît tous. Icône publicitaire par excellence, le domaine s’est popularisé depuis au moins 10 ans, et a permis l’avènement d’une florissante industrie de l’habillement dans ce domaine.

Le sujet de l’article, c’est que le surf aurait tendance à devenir une activité privilégiée des plus nantis, au même titre que le golf. Savez-vous pourquoi ?

Devinez, devinez. Parce que c’est à la mode ? Certainement un peu à cause de ça, mais ce n’est pas l’unique raison.

Parce que c’est pépère ? Alors là pas du tout, il faut une grosse condition physique, surtout sur des vagues qui dépassent le mètre.

Pour se rafraîchir en raison du changement climatique ? Non, mais on y viendra peut être … si on s’aperçoit que les clims c’est nocif pour le tain et la santé.

Non, vous n’y êtes pas …. C’est :

Parce que le temps d’attente entre deux séries (ensemble de vagues propices aux meilleures chevauchées) est long et laisse le temps de parler de …. business.

Si, si vous avez bien lu : business. Dans l’eau, le surfer nanti parle de business avec son alter ego tout aussi nanti et business. Il peut y mener son activité commerciale. Sur l’eau il va vendre, exemple cité dans l’article, des maisons. Le surf, c’est agréable, mais c’est tellement mieux lorsqu’on peut mener son activité d’obsessionnel du chiffre, de l’argent, du profit en même temps. Le surf, c’est beau, pur, on est dans l’océan, c’est une évasion … non allez faut pas pousser quand même, même dans le tableau le plus idyllique il faut vendre.

Vendre, vendre, vendre, partout, tout le temps, l’économique envahira jusqu’au moindre détail de nos vies, de moins en moins de place pour un rapport qui n’ait pas une arrière pensée vénale. Nous devenons – et cela continuera – des commerciaux de chaque instant, des homo businessus dont le réflexe premier, pour toute chose, sera un chiffre, une valeur. Cette pensée, là, combien elle coûte ?

Ainsi en vient-on, pour préserver certaines activités, fussent-elles physiques ou mentales, à souhaiter la limitation de ce phénomène, à promouvoir et se battre pour autre chose qu’une pensée commerciale, à se battre pour que les limites soient fixées.

Je vous l’ai déjà dit : dès qu’on réfléchit un peu au sort de certaines valeurs dans une foule d’exemple, on vire antilibéral … c’est-à-dire favorable à une limitation de la liberté économique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui afin de limiter les revenus et mettre fin à sa prépondérance comme actitivité.

Non sans cynisme, l’article dit que, de la sorte, le surf retourne à ses racines aristocratiques, dans la mesure où il s’agissait, à l’origine, d’une pratique de l’élite hawaïenne.

Attirant toujours plus de monde, et des personnes toujours plus nanties, qui font le transfert par hélicoptère vers des bateaux spécialement affrétés dans les zones de bonne vague, qui se trouve un peu partout autour du monde, et beaucoup dans les pays en voie de développement, certaines côtes, comme au Costa Rica, ont ainsi été développées (constructions touristiques) pour accueillir les foules qui viennent au surf comme on va bosser.

Le temps où ce sport était artisanal, celui d’une couche marginale, de contre-culture, une aventure,c'est du passé. Sort de toute activité humaine ?

Ce qui est amusant, c'est d'essayer de trouver une activité qui ne soit pas gagner par ce phénomène, même les élevages de mouton en plein Larzac sont touchés. Alors, vous trouvez ?

Publié dans Autre actualité

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