Crise Belge, épisode 2007

Publié le par ArbreBlanc

A peine l'éblouissement des projecteurs et des paillettes de l'élection présidentielle française passés, et ce fut la campagne pour les élections fédérales en Belgique.

Ces élections désignent le parlement de Belgique, tandis que les élections communales sont l'équivalent des municipales, qu'il y a des élections provinciales (équivalent des régionales) qui élisent les parlements des 3 régions (Wallonne, Flamande, Bruxelles Capitale).

Peu de sujets de fond abordés, mais surtout beaucoup de rivalités politiques entre les partis, notamment entre partis francophones. Sur les rangs, côté francophone :

  • le MR, présidé par Didier Reynders, sensiblement équivalent à l'UMP,
  • le PS, dirigé par l'homme au noeud papillon - Elio Di Rupo - sosie du Parti Socialiste,
  • le CDH à la couleur orange, dirigé par Joëlle Milquet,
  • les écolos.

Plus quelques partis francophones confidentiels (les rattachistes à la France, ultra-minoritaires [environ 1% des suffrages], le Front National, le parti communiste).

Et puis déjà quelques frictions sud (Wallonie) / nord (Flandres), notamment entre le SPA (Parti Socialiste côté flamand) et le PS. Oui, je n'ai pas cité les partis politiques flamands (CDNV/NVA, Groen, Vlams Belang, SPA, VLD), car les partis politiques sont totalement scindés en fonction de la langue. Chacun fait campagne de son côté, sur son territoire, qui coïncide avec les dominantes linguistiques : flamand au nord, français au sud. La seule exception notable est Bruxelles : enclave au milieu de la région flamande, composée à 80% de francophones (+ quelques européens de tous bords ...).

Bon, suite à ces élections le parti remportant le plus de voix est le CDNV, le sosie flamand du CDH, qui est allié avec un petit parti, la NVA, ouvertement nationaliste pro-flandre. Yves Leterme, précédemment président de la région flamande, recueille 800 000 voix sur son nom, il est donc désigné par le roi pour former un gouvernement.

Les tractations commencent pour former une coalition oranges (CDH + CDNV) bleus (MR, VLD). Les négociations d'un accord de gouvernement durent de juin à septembre. C'est l'une des particularités du système belge et une des conséquences d'un système à proportionnelle intégrale : les partis politiques décident exactement de ce qu'ils mèneront comme programme après les élections, en négociant entre eux. Il ne s'agit donc pas du tout d'appliquer les promesses d'un parti, mais de composer avec les partis désignés par les élections.

Ces négociations butent cependant à répétition dès qu'il s'agit d'aborder le sujet de la réforme de l'état, autrement dit du basculement des compétences de l'état fédéral vers les régions. En effet, les flamands ont promis et veulent beaucoup, et cela de longue date. Arguant encore aujourd'hui des brimades subies de la part des francophones du temps où cette langue était devenue la langue des élites dans toute la Belgique, écrasant parfois les dialectes flamands (le flamand n'est pas une langue unique, c'est un ensemble de plusieurs dialectes du néerlandais) sur leur passage, profitant d'une santé économique éclatante, et d'autant plus brillante en comparaison d'une économie Walonne encore marquée par les industries lourdes du 19ème siècle, pointant l'inutilité des efforts financiers consentis par le Nord (riche) pour redresser le Sud (pauvre), au travers d'un plan intitulé plan Marshal, les partis du Nord et avec eux pas mal d'électeurs veulent tout simplement que chaque communauté se débrouille désormais un peu plus .. seule, en particulier financièrement.

Rien de moins étonnant : avec un parti nationaliste flamand dans le jeu, et un parti attaché à l'intérêt des francophones de l'autre - le FDF, en cartel avec le MR, tout est en place pour que l'adrénaline monte à la première discorde. Mais c'est surtout la radicalisation flamande, non seulement de la NVA mais aussi du CDNV, acculé comme beaucoup de partis flamands à une position nationaliste sous peine de disgrace électorale et de montée du Vlams Belang, et l'intransigeance des partis francophones, refusant de lâcher quoi que ce soit sans contrepartie, qui bloquent la machine.

Cette période fut émaillée d'incidents inter-communautaires systématiquement mis au premier plan dans les médias :

  • le rappel qu'Yves Leterme avait qualifié les francophones de "pas assez intelligents pour apprendre le néerlandais" dans le passé,
  • sa bourde lors de la fête nationale, où il chante la Marseillaise au lieu de l'hymne belge, en réponse à une demande d'un média francophone,
  • un vote unissant les partis flamands au parlement pour la scission de l'arrondissement électoral Bruxelles - Hal - Vilvoorde, qui a le désavantage en l'état d'empécher les flamands d'avoir une chance d'élire un flamand dans les régions de Hal ou Vilvoorde, à l'écrasante majorité flamande,
  • l'annulation, par la région flamande, de la désignation des bourgmestres (l'équivalent des maires) de communes situées en périphérie de la région de Bruxelles, maintenant à majorité francophone, car les conseils communaux conduits pour ces désignations ont été effectués en français,
  • Yves Leterme comparant la RTBF à une radio rwandaise qui a diffusé des appels au génocide à l'époque.

Sans compter la crispation francophone initiée par la RTBF avec sa fameuse émission / fiction sur la fin de la Belgique, qui a renforcé la peur chez les francophones et ne leur a donné comme horizon que celle d'une indépendance de la Flandres.

Aussi les principaux partis politiques belges ont-ils pour l'instant opté pour un gouvernement provisoire (il en existait un : celui d'avant !), d'une durée limitée (3 mois), qui n'aura aucune compétence sur la réforme de l'état, pour palier aux urgences sociales et économiques.

Rien n'est donc résolu, la négociation continuant , notamment au sein d'un comité présidé par yves Leterme, et baptisé Octopus (la pieuvre ...), et les réticences demeurant. Le compte à rebours est de toute façon lancé : le 23 mars prochain, Yves Leterme doit succéder au premier ministre sortant.

Ce spectacle, pour un étranger en Belgique comme moi, par ailleurs attaché au dialogue et à l'harmonie entre les communautés, est vraiment déprimant (plus que Sarkozy se baladant à EuroDisney). Il n'y a que les Belges pour s'en moquer, et considérer tout cela comme un psychodrame politique qui débouche tôt ou tard sur une solution. C'est le repli communautaire (présent des deux côtés d'ailleurs, mais tiré par le Nord), le rejet de l'autre par la langue et par l'histoire, bref la fièvre nationaliste.

Cette fièvre a l'air tellement ancrée au Nord que je ne discerne vraiment aucune voie qui n'appauvrirait pas économiquement les francophones, et continuerait d'étrangler Bruxelles, qui étouffe dans ses frontières régionales actuelles, trop étriquées pour lui permettre d'avoir les moyens économiques d'une capitale, notamment par le manque d'impôts :beaucoup de flamands, dont les impôts vont vers la région flamande, où ils habitent, tirent leur revenu du pôle économique bruxellois. Et la Commission européenne est dispensée d'impôts, tant les institutions que ses fonctionnaires.

Est-ce la présence de communautés linguistiques constituées (flamand, francophone) ou leur rivalité qui constitue un poison pour la Belgique ? Que manque-t-il pour que ces deux communautés pratiquent l'échange et l'harmonie au lieu de s'opposer ?

Tirer un trait sur les rivalités et les abus du passé, certainement, pour désamorcer la spirale sans fin de l'opposition et son sous-jacent : la loi du talion. Mais au-delà il faut probablement une attache supra-communautaire, de même qu'une meilleure compréhension respective, au niveau des langues, c'est-à-dire pratiquer un réel bilinguisme, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Rendez-vous en mars pour la suite du feuilleton belge ...

Publié dans Autre actualité

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article