Tchernobyl, Internet, l’information et la connaissance (1)

Publié le par L'Arrosoir

Il est encore possible, vingt ans après, de retrouver sur Internet des informations précises et techniques sur l’explosion du réacteur numéro 4 de Tchernobyl. Ceci nécessite quelques recherches, mais on finit par trouver les détails.

Le mécanisme exact ayant conduit à l’accident est un emballement de la réaction nucléaire, ce qu’on nomme un accident de criticité. Une réaction nucléaire possède trois régimes possibles :

  • sous-critique : la réaction nucléaire diminue et s’éteint.
  • critique : la réaction nucléaire s’entretient sans augmenter
  • sur critique : la réaction nucléaire augmente. Dans ce domaine, on distingue deux régimes, suivant que l’augmentation est lente ou instantanée.

Dans un réacteur on utilise les trois régimes, tout en cherchant à ne jamais se trouver en situation de criticité instantanée. En particulier, on utilise le régime sur-critique pour accélérer (doucement !) le réacteur. Ce régime utilise des neutrons dit retardés, car apparaissant du fait de réaction nucléaires secondaires, dans un laps de temps qu’on peut surveiller (de l’ordre du plusieurs dizaines de secondes).

La réaction nucléaire est par ailleurs contrôlée, limitée devrait-on dire, par la présence de matériaux qui absorbe les neutrons, nécessaires à la réaction. Ces matériaux sont présents dans des barres de contrôles, qu’on plonge plus ou moins dans le cœur suivant que l’on souhaite accélérer ou réduire la réaction. Sans la présence de ces barres, le réacteur s’emballe et peut exploser. C’est ce qui s’est passé à Tchernobyl, où, pour faire des « tests », les barres ont été retirées du cœur au-delà de ce qui était autorisé et les équipements de refroidissements en partie désactivés.

Le défaut du réacteur utilisé à Tchernobyl, de type RBMK, est qu’il possède des régimes de fonctionnement auxquels il a un coefficient de vide dit positif, c’est-à-dire que l’emballement de la réaction ne s’arrête pas seul.

En effet, tout les mécanismes de secours qu’on peut actionner en cas de criticité instantanée, à la main ou automatiquement, sont inopérant car ils ne réagissent pas assez vite. Dans le cas de Tchernobyl, l’emballement n’a duré que 4 secondes et la puissance dégagée a dépassé d’un facteur 80 la puissance maximale du réacteur.

Ce dégagement de puissance a fait exploser le combustible radioactif, c’est-à-dire les pastilles d’oxyde d’uranium, et c’est cette explosion qui a soulevé la dalle supérieure du réacteur, d’un poids, selon les sources, compris entre 450 et 2000 tonnes, à une hauteur de 14m.

Une seconde explosion a ensuite eu lieu, probablement une explosion d’hydrogène, quelques secondes après.

Dans les réactions utilisées en Europe occidentale, de conception REP, ce phénomène est beaucoup plus improbable, car ils n’ont pas de régime de fonctionnement à coefficient positif. En effet, en cas de dégagement d’une forte quantité d’énergie, les neutrons ne sont plus « modérés », c’est-à-dire ralentis. Or ils doivent être ralentis pour entraîner la fission de l’uranium. Dans un réacteur REP, c’est l’eau liquide sous pression qui ralentit ces neutrons. Si elle se vaporise elle ne joue plus son rôle, stoppant l’augmentation de la réaction. Dans les réacteurs RBMK, c’est le graphite qui joue le rôle de modérateur, et celui-ci ne modifie pas son comportement lors d’une brusque augmentation d’énergie.

Au début du paragraphe précédent, j’ai bien dit plus improbable. Tout dépend en combien de temps l’eau s’évapore … Je n’ai pas trouvé d’information sur ce temps. Des expérimentations sur les cas de criticité sont faites par le CEA en laboratoire. Des exercices existent en cas d’accident grave. Ce qui sous-entendrait que c’est techniquement possible ?

En imaginant qu’un tel scénario se produise, rassurons-nous, il y aura tout de même une protection métallique (la cuve) et deux enceintes de béton pour empêcher qu’une éventuelle explosion ne se propage à l’extérieur. Reste que, sur la plupart des centrales existantes, il n’existe pas de dispositifs de captation de l’hydrogène, appelés recombineurs, qui pourraient empêcher une explosion d’hydrogène.

Voici donc la conclusion à laquelle je suis arrivé : un réacteur nucléaire est constitué des même ingrédients qu'une bombe A, moins concentrés, peut exploser, peut-être plus fort que Tchernobyl (les soviétiques, en faisant une simulation simplifiée, avait constaté que les résidus du coeur, fondus, pouvait constituer une masse critique susceptible de dégarer une explosion atomique de ... 3 ou 5 mégatonnes, 80 fois Hiroshima, en particulier si le coeur fondu entrait en contact avec la nappe phréatique). Tant qu’on le contrôle …

Mais au fait, toutes ces informations trouvées par Internet, en quoi sont-elles dignes de confiance ? Ce sera le sujet de la suite de cet article …

Publié dans Réflexion

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B
Salut, je trouve géniale ta démarche d'explorer dans le détail les circonstances de l'accident. Un détail : le type du réacteur ne serait pas "RMBK" comme tu l'as écrit, mais "RBMK". Je ne sais pas ce que ce sigle signifie, je sais seulement que c'est un réacteur de grande puissance, à neutrons lents.
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A
<br /> Merci ! Exact, c'est le terme qu'emploient le CEA ou l'IRSN. RBMK signifie : Reactor Bolshoï Moshchnosti Kalani (Реактор Большой Мощности Канальный en Russe).<br /> <br /> <br />