Je ne suis pas économiste, eux si !

Publié le par ArbreBlanc

L’OFCE (Organisme Français de Conjoncture Economique) a mis en ligne un long rapport sur sa vision de la situation économique en France dans la perspective des élections présidentielles. L’OFCE, dirigée par Jean-Paul Fitoussi, n’est pas un bastion libéral, traditionnellement attaché à l’Etat Providence, régulièrement keynésien dans le passé. Autant dire, en un mot, plutôt apte à donner des diagnostics et des réponses économiques pour la gauche.

Aussi vous je vous conseille vivement de lire ce rapport, ou du moins de le parcourir (plus de 220 pages), qui tombe à pic pour nourrir le débat : dans ce recueil, en plus d’une critique de l’économie « religieuse », se trouve une confirmation des rouages présentés dans l’article précédent sur la mondialisation : les économies développées se protègent en augmentant la productivité, et la recherche d’une croissance des exportations incite les Etats à une concurrence fiscale.

Je retiens notamment ce passage : « La France est-elle condamnée à aligner ses taux d’IS sur les plus bas européens et à alléger indéfiniment l’imposition locale des entreprises, au risque, sinon, de perdre progressivement toute sa substance économique ou, à tout le moins, ses bases fiscales ? Probablement pas. En effet, grâce à sa position géographique – située au coeur de l’UE et bénéficiant d’un marché de grande taille –, la France offre aux entreprises résidentes une « rente de localisation ». En outre, la qualité de ses infrastructures publiques, notamment de transport et communications, mais aussi d’éducation, de recherche, etc., fait que ces mêmes entreprises bénéficient, dans leur production, de l’usage « gratuit » d’un « facteur public », également générateur de rente. La résultante économique de ces rentes est de permettre à la France de pratiquer un taux d’imposition des entreprises plus élevé que celui des petits pays périphériques de l’UE, et de n’être donc pas obligée de s’aligner sur le « moins-disant fiscal ». Mais quel est l’ordre de grandeur de cette marge de manoeuvre ? Selon des estimations récentes, elle serait de 6 à 8 points. Si donc la moyenne des taux d’imposition des sociétés dans l’UE devait, comme cela semble être le cas, converger vers 12% à 15%, le taux français pourrait être maintenu aux alentours de 20%, ce qui implique cependant une baisse significative, réduisant les recettes fiscales à ce titre d’environ 1 point de PIB. [C’est-à-dire une baisse sur la fiscalité des entreprises d’environ un quart, soit environ 17 milliards d’euros, soit environ 2,5% des prélèvements sur le PIB]

Qu’il n’y ait, à court terme, pas d’autre choix que le jeu dangereux de la concurrence fiscale avec nos partenaires européens ne signifie nullement qu’il faille abandonner toute volonté d’y mettre un jour un terme, et d’harmoniser, dès que possible, ce qui peut l’être. Ainsi, la Commission européenne propose-t-elle de réduire les distorsions engendrées par certains aspects des différences de traitement fiscal des bénéfices des sociétés en harmonisant et en consolidant l’assiette de l’IS. (…)» (source : OFCE)

En clair, pour que le programme de Ségolène Royal puisse s’appliquer, il lui faudra augmenter les impôts sur les personnes, c’est-à-dire affaiblir (temporairement ?) la demande intérieure, principale contributrice à la croissance. Ceci aurait pour effet de restaurer notre vitalité exportatrice, mais cela suppose qu’aucun pays européen ne se livre à une surenchère dans cette concurrence.

De plus, le nom d’un pays revient régulièrement dans nos malheurs à l’exportation : l’Allemagne. Qui, en réduisant récemment son taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés et un effort sur ses coûts de production, notamment des réductions de salaire, a pu se redresser, sans pour autant revenir à son niveau de 1990, tandis que la part de la France ne cessait de décroître. L’étude rapprochée, menée par la banque de France et d’Italie, peut être moins sujets à sensibilité de gauche, est disponible ici.

Or l’Allemagne détient la clé d’autres leviers économiques, notamment la BCE. La marge de manœuvre dans ce domaine apparaît donc très limitée.

J’espère que la parution de cet ouvrage collectif de l’OFCE va lancer le débat, tant nécessaire, sur cette question.

Publié dans Réflexion

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