Torrent, lac, vortex, business moderne

Publié le par L'Arrosoir

Je suis en formation en ce moment (Cf article précédent), dans un contexte on ne peut plus mondialiser, « offshoriser » si je peux me permettre cette horreur, où la seul langue qui existe est l’anglais. Et en France …

 J’essaye d’en profiter personnellement sans me faire avaler par cette machine à faire du chiffre d’affaire et du commerce dans laquelle je suis. L’intérêt de ces périodes de formation est qu’elle manipule beaucoup de CONCEPTS, et portent donc à la réflexion. Même si ce n’est pas forcément dans le sens des messages qui me sont délivrés …

Ce matin, 8h30, la présentation défile, les « top » managers aussi. Nous parlent du business de demain. Au lieu de gober ceci tout cru (ça a un goût bizarre de Web 2.0), j’ai cherché à caractériser ce mouvement à tendance planétaire (globalisation oblige), qui régit l’économie de marché aujourd’hui. J’en arrive à la description suivante.

C’est une machine que rien ne semble pouvoir arrêter, dont le moteur est incontestablement l’innovation, qui produit la nouveauté. Les dirigeants / hommes d’affaire reprennent alors ces nouveautés, pour gagner ou créer de nouveaux marchés, et ainsi se doter d’un avantage compétitif qui leur assurera de faire un chiffre extraordinaire, et ainsi de remplir les objectifs délirants qu’à fixer l’actionnaire. Ou bien même de faire surgir un nouveau marché à la vitesse de la lumière.

Les succès ainsi remportés sont connus et alors vécus comme des menaces, de concurrence ou de disparition, pour tous ceux qui n’ont pas emprunté ces nouveautés et qui sont acteurs des marchés. Ceux-ci se précipitent alors pour s’aligner et adopter la même tactique.

Et voilà la machine à changement en marche … elle ralentit parfois, lorsque les conditions sont un peu moins favorables, mais pour repartir de plus belle. Elle ne s’arrête jamais. Et en ce moment elle s’emballe. Les nouveautés sont légions : TIC (Technologies de l’I… et de la C…), délocalisation, orientation service, recentrage sur le cœur métier, fusion, etc. 

Cette accélération concerne de plus en plus de pans de l’économie d’aujourd’hui. Il y a de moins en moins de secteurs qui soient traditionnels et qui ne soient pas bouleversés par ce phénomène, au cœur duquel on trouve notamment les TIC comme moteur perpétuel d’innovation et servant de toutes les folies structurelles.

Ces principes favorisent des démarches court-terme, tournées directement vers l’opérationnel, au détriment des visions stratégiques. Le monde économique est gagné par le « court-termisme ». 

Il manque pourtant un élément dans ma description. Vous voyez ? Non ? Normal. Il n’y a pas une place centrale. Il apparaît souvent sous le nom « Client » ou « Employé ». C’est l’humain. L’humain est à la périphérie de cette mécanique, centrée sur l’argent, la valeur (qui mesure le désir d’acquisition moyennant finances de biens ou services), la rémunération du capital, le marché …

A ce point les eaux de ce torrent tourmenté et dévalant une pente de plus en plus forte se séparent en deux flots. Celui du marché continue sa course, charriant roches et emportant les arbres de la berge. Celui des idées se jette alors dans une étendue plus vaste, mais parcourue de vortex. Un lac aux eaux tourmentées. 

Faut-il, peut-on laisser ce torrent intrépide, que personne ne maîtrise et qui est de plus en plus difficile à canaliser ou à ralentir, posséder crescendo nos existences ?

Certains répondront oui, croyant en une conciliation possible entre les principes décrits et ceux, humanistes, qui nous avons hérité d’efforts et de combats successifs : Lumières, révolutions, républiques, démocratie, socialisme. Pourtant, cette machine est prête à ignorer certaines valeurs. Prenez par exemple celle-ci : tout individu devrait recevoir sans grande peine les moyens de sa subsistance. Amendement rejeté par les marchés ! C’est le domaine de l’Etat, répondent-ils, je ne peux pas, je ne veux pas, je ne sais pas répondre. 

Alors l’Etat corrige les inégalités, en ponctionnant ceux qui ont beaucoup pour donner aux autres. Et en encourageant la croissance pour augmenter ses rentrées. Mais pour que ceci puisse continuer à fonctionner, pour garantir le pouvoir d’achat de chacun, il faut que la nation capte les richesses produites par le biais d’entreprises établies sur son sol et / ou employant sur son sol. Ouvrons les yeux : cette captation est de plus en plus compromise, LES FRONTIERES ECONOMIQUES DISPARAISSENT avec la globalisation, rendue possible par le libre échange. Les grandes entreprises sont globalisées. Et se déploient au moindre coût à travers le monde.

Je pense que ce grand écart ne fait que freiner et masquer un futur appauvrissement Européen. Et qu’il faut combattre cet état de fait. Examinons quelques pistes. 

Mettre en place un Etat mondial, chargé de veiller au pouvoir d’achat de toute la population ? (Rires)

Mettre en place des structures européennes pour s’adapter à la disparition des frontières économiques entre les nations ? Ceci peut avoir un effet au sein de l’Europe, et à condition qu’elle se dote d’instances véritablement régulatrices (sociale, démocratique, politique) et ne soit pas simplement destinée à effacer encore un peu plus ces frontières …  Ce qu’elle est aujourd’hui : l'Europe est A CONTRESENS. De plus, ceci n’empêchera pas certaines activités de ne pas être sous influence Européenne, et de s’envoler pour l’Inde, l’Asie, l’Amérique Latine. 

Fermer les frontières ? Trop tard, tout simplement. La dépendance de l’économie vis-à-vis du commerce extérieure et de la croissance est trop forte dorénavant.

Il ne reste qu’une solution : lâcher prise, accepter de revenir sur les principes humanistes. C’est ce qui est en train de se passer. Suivre le torrent du changement. 

Vous l’acceptez peut-être, moi pas. C’est une menace considérable qui suppose un appauvrissement intellectuel énorme. Riche et crétin ou pauvre et humain ? C’est en ces termes que se joue le futur.

N’est-il pas temps de dire STOP, réfléchir, fonder des réponses sur une approche sage (philosophique s’entend), envisager l’avenir, combattre ? Je pense que c’est URGENT.

PS : en lisant l’article, on pourrait croire au cri du loup, à l’exagération. Je pense sincèrement qu’il n’en est rien, et que ce sont des signes avant coureurs que nous observons, pas des maux dont les remèdes arriveront sans tarder … Nous allons vers une idéologie intégrant la chance donnée à chaque personne, et ses contreparties, la malchance ou la perte, et non pas uniquement sur les droits de l'individu.

Publié dans Réflexion

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N
Je me méfie un peu des idéologies et de leur cadre trop étroit qui ne laisse le choix qu’entre rupture brutale et immobilisme !<br /> Je ne sais pas quel est le moyen idéal pour aborder la question mais à mon sens certainement pas par la rupture !<br /> Les vraies ruptures sont toujours excessives et rarement efficaces car c’est l’idéologie qui mène le jeux et l’idéologie est un carcan extrêmement rigide en dehors duquel pas de salut ! l’histoire l’a montré moult fois !<br /> L’idéologie suppose trop de certitudes pour être un véritable moteur de progrès !<br /> L’évolution du monde s’est toujours faite par des progressions, quelques fois par à-coups, mais toujours dans la continuité du passé.<br /> Certes on peut considérer que ça ne va pas assez vite mais brusquer les choses autoritairement n’est pas une attitude de démocrate !<br /> Pour autant, agir de manière souple, ouverte et pragmatique ne signifie pas nécessairement manquer de convictions et c’est même probablement plus difficile que de s’en tenir à une ligne inamovible d’opposition systématique à un ennemi désigné une bonne fois pour toutes !<br /> Le cas du référendum sur le traité constitutionnel en est un bon exemple, puisque, au lieu de le considérer, avec pragmatisme, comme une avancée certes pas suffisante mais quand même comme un réel progrès (c’est le premier traité qui définit les « valeurs » de l’Union : respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, Egalité, respect des minorités ! on y parlait d’une société caractérisée par le pluralisme, la tolérance, la justice, l’égalité hommes-femmes etc) on l’a rejeté au nom d’une certaine idéologie ou devrais-je dire de certaines idéologies puisque tous les « extrêmes » étaient unanimes pour le refuser ! les uns par peur d’une évolution qu’il refusent (une Europe fédérale qui prévaudrait sur notre belle France) et les autres sous prétexte qu’il ne remettait pas en cause complètement ce qu’est l’Europe actuelle et qui était exprimé dans les traités précédents (la fameuse Partie III) !<br /> Résultat des courses rien n’a bougé et l’Europe est dans l’incapacité de servir de levier pour peser sur le fonctionnement de l’économie mondiale !<br /> Comme tu dis, le programme est gigantesque mais si on veut pas qu’il soit insurmontable, il faut arrêter de jouer au tout ou rien parce que ça sera toujours rien !
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N
Bravo pour cette description de la manière dont fonctionne et évolue l’ordre capitaliste mondial. Beaucoup de lucidité dans cette analyse même si elle doit apparaître un peu désespérante. <br /> La lucidité est une denrée rare de nos jours, on préfère bien souvent ne pas voir la réalité en face et prêter une oreille complaisante aux belles et grandes idées …..simplistes.<br /> Je suis d’accord, il ne faut pas lâcher prise ! <br /> Pas facile non plus de dire STOP ! <br /> Pas facile d’établir un consensus sur la manière de positionner l’homme au centre du système !<br /> Pour moi, l’homme est profondément égoïste et le système capitaliste tel qu’il fonctionne profite de ça en laissant croire à chacun qu’il peut y trouver un intérêt !  …trop d’intérêts contradictoires !<br /> Et comment aller explique  aux chinois, indiens et autres brésiliens que maintenant qu’on en a bien profité et que ça commence à se gâter sérieusement, on remet tout à plat et on recommence autre chose !<br />  <br />  <br /> <br /> Heureusement, je reste persuadé (mais peut être suis je un grand naïf) que le système peut évoluer de l’intérieur, par petites étapes sous la pression de ceux qui sans vouloir remettre en cause le système en profondeur, ne se satisfont pas de sa déshumanisation.<br /> Je veux être résolument optimiste. Après tout, sous la pression des « humanistes » et même si il reste de nombreuses situations inacceptables, le monde évolue positivement sous un grand nombre d’aspects : le capitalisme actuel n’est pas celui du début du 20ème siècle, il y a plus de démocraties,  les associations bénévoles n’ont jamais été aussi nombreuses, les choses bougent sur des sujets non financiers comme l’écologie, la qualité de vie s’améliore pour beaucoup (mais pas tous)  etc<br />  <br />  <br /> <br /> En tout état de cause, individuellement ou même au niveau d’un pays, il est illusoire d’imaginer de faire avancer les choses en profondeur. Ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas se poser la question de savoir, comment,  individuellement on peut agir., considérant que les petits ruisseaux font les grandes rivières.<br /> Mais dire STOP c’est, à mon sens, commencer par se donner les moyens de peser sur les évènements et je suis persuadé que seule une Europe politiquement homogène et organisée pour faire entendre sa voix peut être capable de faire évoluer l’ordre mondial. Bien entendu l’Europe actuelle en est loin.
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L
Merci pour ton commentaire, dans l'ensemble je suis d'accord. Il faut déjà être sûr du diagnostic, et ceci n'est effectivement pas évident. Puis être constructif au-delà de la critique, et c'est vrai qu'aucune solution n'apparaît clairement, à part l'engagement individuel. Pourquoi ? Parce que nous évoluons maintenant dans le cadre d'un vide idéologique. Parce que l'humanisme à lui seul ne saurait donner ce cadre à mon avis, et encore faut-il le définir proprement. Il faut également l'enrichir d'un aspect social. Enfin, il faut déterminer la manière d'aborder la question : par la rupture (lutte, révolution ...) ou de manière plus souple. Sans oublier la place de l'Europe, et les difficultés à arriver à un accord à 25 (!) sur ce point. Tout en se dotant d'un regard critique sur les tentatives qui ont échouées. Gigantesque programme, insurmontable ?